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l’estime et l’affection de ses sujets ; mais ils furent forcés quelquefois de regretter l’administration d’Andronic. Doué d’un esprit solide et d’une tête forte, ce tyran avait su apercevoir les rapports qui liaient son intérêt personnel avec celui du public ; et tandis qu’il faisait trembler ceux qui pouvaient lui donner de l’inquiétude, les particuliers obscurs et les provinces éloignées bénissaient la justice rigoureuse de leur souverain. Son successeur, vain et jaloux du pouvoir suprême, manquait à la fois du courage et des talens nécessaires pour l’exercer ; ses vices devinrent funestes à ses sujets, et ses vertus (si toutefois il en eut) leur furent inutiles. Les Grecs, qui imputaient toutes leurs calamités à sa négligence, lui refusèrent le mérite des avantages passagers ou accidentels dont ils purent jouir sous son règne. Isaac sommeillait sur son trône et ne se réveillait qu’à la voix du plaisir. Ses heures de loisir étaient consacrées à des comédiens et à des bouffons, et même pour ces bouffons Isaac était un objet de mépris. Le luxe de ses fêtes et de ses bâtimens surpassa tout ce qu’en avaient jamais étalé les cours, le nombre de ses eunuques ou de ses domestiques montait à vingt mille, et la dépense de sa table et de sa maison à quatre mille livres d’argent par jour, ou environ quatre millions sterling par an. L’oppression était le seul moyen de fournir à ses besoins, et le peuple s’indignait également et des abus commis dans la levée des revenus publics et de celui qui s’en faisait à la cour. Tandis que les Grecs comptaient les jours de leur esclavage, un prophète, au-