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nonça le retour et l’élévation d’Andronic[1]. Le peuple courut aux armes ; des côtes de l’Asie le tyran envoya ses troupes et ses galères seconder la vengeance nationale ; et la résistance impuissante des étrangers ne servit qu’à motiver et redoubler la fureur de leurs assassins. Ni l’âge, ni le sexe, ni les liens de l’amitié ou de la parenté, ne purent sauver les victimes dévouées de la haine, de l’avarice et du fanatisme. Les Latins furent massacrés dans les rues et dans leurs maisons ; leur quartier fut réduit en cendres ; on brûla les ecclésiastiques dans leurs églises, et les malades dans leurs hôpitaux. On peut se faire une idée du carnage par l’acte de clémence qui le termina : on vendit aux Turcs quatre mille chrétiens qui survivaient à la proscription générale. Les prêtres et les moines se montraient les plus actifs et les plus acharnés à la destruction des schismatiques ; ils chantèrent pieusement un Te Deum lorsque la tête d’un cardinal romain, légat du pape, eut été séparée de son corps, attachée à la queue d’un chien, et traînée avec des railleries féroces, à travers les rues de la ville. Les plus prudens des Latins s’étaient, dès la première alarme, retirés sur leurs vaisseaux ; ils échappèrent à travers l’Hellespont à cette scène de carnage. Dans leur fuite, ils portèrent le ravage et l’incendie sur une côte de deux cents milles d’é-

  1. Voyez les relations des Grecs et des Latins dans Nicétas, dans Alexis Comnène (c. 10), et Guillaume de Tyr (l. XXII, c. 10, 11, 12, 13) ; la première, modérée et concise ; la seconde, verbeuse, véhémente et tragique.