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Dans l’espérance d’un secours étranger, Jean visita successivement la cour de l’empereur grec et celle de Pierre, roi d’Aragon[1], qui possédait les pays maritimes de Valence et de Catalogne. On offrit à l’ambitieux Pierre une couronne qu’il pouvait justement réclamer en faisant valoir les droits de son mariage avec la sœur de Mainfroi, et le dernier vœu de Conradin qui, de l’échafaud où il perdit la vie, avait jeté son anneau à son héritier et à son vengeur. Paléologue se décida facilement à distraire son ennemi d’une guerre étrangère, en l’occupant chez lui d’une révolte ; il fournit vingt-cinq mille onces d’or, dont on se servit utilement pour armer une flotte de Catalans, qui mirent à la voile sous un pavillon sacré, et sous le prétexte d’attaquer les Sarrasins de l’Afrique. Déguisé en moine ou en mendiant, l’infatigable agent de la révolte vola de Constantinople à Rome, et de Sicile à Saragosse. Le pape Nicolas, ennemi personnel de Charles, signa lui-même le traité ; et son acte de donation transporta les fiefs de saint Pierre, de la maison d’Anjou dans celle d’Aragon. Le secret, quoique répandu dans tant de différens pays, et librement communiqué à un si grand nombre de personnes, fut gardé, durant plus de deux années, avec une discrétion impénétrable ; chacun des nombreux conspirateurs s’était pénétré de la

  1. Voyez le caractère et les conseils de Pierre, roi d’Aragon, dans Mariana (Hist. Hispan., l. XIV, c. 6, t. II, p. 133). Le lecteur pardonnera les défauts du jésuite en faveur de son style, et souvent en faveur de son discernement.