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ports de dévotion et d’orgueil, il contempla en soupirant les ruines et la solitude que présentait sa capitale désolée. Le palais souillé de fumée et de boue, portait partout les traces de la grossière intempérance des Français ; des rues entières avaient été consumées par le feu, ou dégradées par les injures du temps ; les édifices sacrés et profanes étaient dépouillés de leurs ornemens ; et, comme si les Latins eussent prévu le moment de leur expulsion, ils avaient borné leur industrie au pillage et à la destruction. L’anarchie et la misère avaient anéanti le commerce, et la population avait disparu avec la richesse. Le premier soin du monarque grec fut de rétablir les nobles dans les palais de leurs pères ; tous ceux qui purent présenter des titres rentrèrent en possession de leurs maisons ou du terrain qu’elles avaient occupé. Mais la plupart des propriétaires n’existaient plus, et le fisc en hérita. Michel repeupla Constantinople en y attirant les habitans des provinces, et les braves volontaires, ses libérateurs, y obtinrent un établissement. Les barons français et les principales familles s’étaient retirés avec l’empereur ; mais la foule patiente des Latins obscurs chérissait le pays, et s’embarrassait peu du changement de maître. Au lieu de bannir les Pisans, les Génois et les Vénitiens de leurs factoreries, le sage conquérant reçut leur serment de fidélité, encouragea leur industrie, confirma leurs priviléges, et leur permit de conserver leur juridiction et leurs magistrats. Les Pisans et les Vénitiens continuèrent à occuper dans la ville