Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 12.djvu/143

Cette page a été validée par deux contributeurs.

acclamation générale : « Victoire et longue vie à Michel et à Jean, les augustes empereurs des Romains ! » Baudouin fut réveillé par les cris, mais le plus pressant danger ne put l’obliger à tirer l’épée pour défendre une ville qu’il abandonnait peut-être avec plus de plaisir que de regret. Il courut au rivage, aperçut heureusement les voiles de la flotte qui revenait de sa vaine expédition contre Daphnusia. Constantinople était irrévocablement perdue ; mais l’empereur latin et les principales familles s’embarquèrent sur les galères de Venise, et cinglèrent vers l’île d’Eubée, d’où elles conduisirent en Italie l’auguste fugitif, que le pape reçut avec un mélange de mépris et de compassion. Depuis la perte de sa capitale jusqu’à sa mort, Baudouin passa treize ans à solliciter les puissances catholiques de se réunir pour le replacer sur son trône. Cette supplique lui était familière ; et il ne se montra pas, dans son dernier exil, plus indigent et plus avili qu’il ne l’avait été lors de ses trois premiers voyages dans les cours de l’Europe. Son fils Philippe hérita de son vain titre, et sa fille Catherine porta en mariage ses prétentions à Charles de Valois, frère de Philippe-le-Bel, roi de France. La ligne femelle de la maison de Courtenai fut successivement représentée par différentes alliances jusqu’à ce que le titre d’empereur de Constantinople, trop pompeux et trop sonore pour se joindre au nom d’un particulier, s’éteignît modestement dans le silence et dans l’oubli[1].

  1. Voyez les trois dernières livres (l. V-VIII) et les Tables