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sa nièce en mariage à l’infidèle sultan de Cogni, et pour plaire aux Comans, Baudouin se soumit aux cérémonies de leur religion. On immola un chien entre les deux armées, et les princes contractans goûtèrent du sang l’un de l’autre, comme un gage de fidélité[1]. Le successeur d’Auguste démolit les maisons vacantes de son palais ou de sa prison de Constantinople, pour en tirer du bois de chauffage, et il s’empara des plombs qui couvraient les églises pour fournir à la dépense de sa maison. Des marchands d’Italie lui firent quelques prêts à grosse usure, et Philippe, son fils et son successeur, servit, durant quelque temps, de gage pour une dette que l’empereur avait contractée à Venise[2]. La faim, la soif et la nudité sont des maux réels, mais l’opulence n’est que relative ; un prince qui serait riche comme particulier, peut être exposé, s’il étend ses besoins, à toutes les amertumes et les angoisses de l’indigence.

La sainte couronne d’épines.

Dans cette humiliante détresse, il restait encore à l’empereur ou à l’empire un trésor qui tirait sa valeur imaginaire de la dévotion du monde chrétien. Le bois de la vraie croix avait un peu perdu par les partages qui en avaient été faits ; et son long séjour entre les mains des infidèles jetait quelques soupçons sur la quantité de parcelles qu’on en avait répandues

  1. Joinville, p. 104, édit. du Louvre. Un prince Coman qui mourut sans baptême, fut enterré aux portes de Constantinople avec un certain nombre d’esclaves et de chevaux vivans.
  2. Sanut., Secret. fidel. crucis, l. IV, c. 18, p. 73.