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plus de quatre-vingts ans, et sa taille au-dessus des proportions ordinaires ; mais l’avarice et l’amour du repos avaient, à ce qu’il parut, refroidi en lui l’ardeur des entreprises ; ses troupes se débandèrent, et deux années s’écoulèrent dans une honteuse inaction. Il fut réveillé de cet assoupissement par l’alliance menaçante de Vatacès, empereur de Nicée, et d’Azan, roi des Bulgares. Ils assiégèrent Constantinople avec une armée de cent mille hommes et une flotte de trois cents vaisseaux de guerre, tandis que les forces de l’empereur latin ne consistaient qu’en cent soixante chevaliers et un petit nombre de sergens et d’archers. J’hésite à raconter qu’au lieu de défendre la ville, le héros fit une sortie à la tête de sa cavalerie, et que de quarante-huit escadrons ennemis, trois seulement, échappèrent à son invincible épée. Enflammés par son exemple, l’infanterie et les citoyens s’élancèrent sur les vaisseaux qui étaient à l’ancre au pied des murs, et en amenèrent vingt-cinq en triomphe dans le port de Constantinople. À la voix de l’empereur, les vassaux et les alliés prirent les armes pour sa défense, renversèrent tous les obstacles qui s’opposaient à leur passage, et remportèrent, l’année suivante, une seconde victoire sur les mêmes ennemis. Les poètes de ce siècle grossier ont comparé Jean de Brienne à Hector, Roland et Judas Machabée[1],

    donna une fortune brillante et s’enfuit à la cour de Nicée, où son fils fut élevé aux premiers honneurs.

  1. Philippe Mouskes, évêque de Tournai (A. D. 1274-1282), a composé une espèce de poëme, ou plutôt de chro-