Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 12.djvu/121

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Constantinople l’autorité d’un souverain, avait interdit le culte grec, et exigeait à la rigueur le payement des dîmes, la profession de foi relative à la procession du Saint-Esprit, et l’obéissance aveugle au pontife romain. Dans tous les temps, le parti le plus faible a réclamé les devoirs de la conscience et les droits de la tolérance. « Nos corps, disaient les Grecs, sont à César, mais nos âmes sont à Dieu. » La fermeté de l’empereur arrêta la persécution[1], et s’il est vrai qu’il mourut empoisonné par les Grecs, cette preuve de folie et d’ingratitude doit nous donner une triste opinion du genre humain. Sa valeur n’était qu’une vertu commune qu’il partageait avec dix mille chevaliers ; mais dans un siècle de superstition, Henri eut le courage bien plus extraordinaire de s’opposer à l’orgueil et à l’avarice du clergé. Il osa placer, dans la cathédrale de Sainte-Sophie, son trône à la droite du patriarche, et cette présomption lui attira les plus aigres censures de la part du pape Innocent III. Par un édit salutaire, un des premiers exemples des lois de main-morte, l’empereur défendit l’aliénation des fiefs. Un grand nombre de Latins, empressés de retourner en Europe, abandonnaient leurs terres à l’Église, qui les payaient en argent comptant ou avec des indulgences. Ces terres sacrées étaient immédiatement déchargées du service mili-

  1. Acropolita (c. 17) rapporte la persécution du légat et la tolérance de Henri (Ερη comme il l’appelle), κλνδωνα κατεσ‌τορεσε.