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l’opinion des nations transalpines. Ils semblaient désirer de couvrir cette recherche inutile du voile du silence et de la charité ; et dans la correspondance de Charlemagne et de Léon III, le pape s’exprime en sage politique, tandis que le monarque se livre aux passions et aux préjugés d’un prêtre[1]. Mais l’orthodoxie de Rome céda naturellement à l’impulsion de sa politique temporelle ; et le filioque, que Léon désirait effacer, fut inscrit dans le symbole et chanté dans la liturgie du Vatican. Les symboles de Nicée et de saint Athanase sont considérés comme faisant partie de la foi catholique indispensablement nécessaire au salut ; et tous les chrétiens d’Occident, soit romains, soit protestans, chargés des anathèmes des Grecs, les rendent à ceux qui refusent de croire que le Saint-Esprit procède également du père et du fils. [Variation dans la discipline ecclésiastique.]De tels articles de foi ne laissent pas de possibilité d’accommodement ; mais les règles de discipline doivent éprouver des variations dans des Églises éloignées et indépendantes ; et la raison des théologiens eux-mêmes pourrait avouer que ces différences sont inévitables et peu importantes. Soit politique, soit superstition, Rome a imposé à ses prêtres et à ses

  1. Les Missi de Charlemagne le pressèrent de déclarer que tous ceux qui rejetaient le filioque, ou au moins sa doctrine, seraient inviolablement damnés. Tous, répondit le pape, ne sont pas capables d’atteindre altiora mysteria ; qui potuerit et non voluerit, salvus esse non potest. (Collect. concil., l. IX, p. 277-286.) Le potuerit laissait de grandes ressources pour le salut.