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dans la caducité[1]. Les Comans se retirèrent durant les chaleurs de l’été ; mais au moment du danger, sept mille Latins, infidèles à leur serment et à leurs compatriotes, désertèrent de la capitale, et de faibles succès compensèrent mal la perte de cent vingt chevaliers qui périrent dans la plaine de Rusium. Il ne restait plus à l’empereur que Constantinople et deux ou trois forteresses sur les côtes d’Europe et d’Asie. Le roi des Bulgares, irrésistible et inexorable, éluda respectueusement les instances du pape, qui conjurait son nouveau prosélyte de rendre aux Latins affligés la paix et leur empereur. La délivrance de Baudouin, répondit Joannice, n’est plus au pouvoir des mortels. Ce prince était mort en prison ; l’ignorance et la crédulité ont produit sur le genre de sa mort plusieurs versions différentes. Ceux qui aiment les histoires tragiques, croiront volontiers que le chaste captif résista aux désirs amoureux de la reine des Bulgares, que son refus l’exposa aux calomnies d’une femme et à la jalousie d’un sauvage ; qu’on lui coupa les pieds et les mains, que le reste du corps fut jeté tout sanglant parmi les carcasses des chiens et des chevaux, et qu’il respirait encore au bout de trois jours, lorsque les oiseaux de proie vinrent le dévorer[2]. Vingt ans après, dans une forêt des

  1. Villehardouin et Nicétas (p. 386-416) racontent le règne et la mort de Baudouin ; et Ducange supplée à leurs omissions dans ses Observations et à la fin de son premier livre.
  2. Après avoir écarté toutes les circonstances suspectes