Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 12.djvu/104

Cette page a été validée par deux contributeurs.

dont la force était l’unique loi. Trois mois après la conquête de Constantinople, l’empereur et le roi de Thessalonique marchèrent l’un contre l’autre : l’autorité du doge, les conseils du maréchal et la courageuse fermeté des pairs parvinrent à les réconcilier[1].

Révolte des Grecs. A. D. 1204, etc.

Deux fugitifs qui avaient occupé le trône de Constantinople prenaient encore le titre d’empereurs, et les sujets de ces princes détrônés pouvaient céder à un mouvement de compassion pour l’ancien Alexis ou être excités à la vengeance par l’ambitieux Mourzoufle. Une alliance de famille, un intérêt commun, les mêmes crimes et le mérite d’avoir ôté la vie aux ennemis de son rival, engagèrent le second usurpateur à se réunir avec le premier. Mourzoufle se rendit dans le camp d’Alexis ; il y fut reçu avec des caresses et des honneurs ; mais les scélérats sont incapables d’amitié, et doivent se méfier de ceux qui leur ressemblent. On le saisit dans le bain, et après l’avoir privé de la vue, Alexis s’assura de ses troupes, s’empara de ses trésors, et le fit chasser du camp, loin duquel Mourzoufle fut réduit à errer, objet de mépris et d’horreur pour ceux qui avaient, plus qu’Alexis, le droit de haïr et de punir l’assassin de

  1. Villehardouin rend compte de leur querelle (nos 146-158) avec le ton de la franchise et de la liberté. L’historien grec (p. 387) rend hommage au mérite et à la réputation du maréchal, μεγα παρα τοις Λατινων δυναμενω ςρατευμασι : il ne ressemble point à certains héros modernes, dont les exploits ne sont connus que par leurs Mémoires.