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nations établies du Volga au Danube. Les fatigues d’une vie militaire et sauvage avaient fortifié la vigueur de son esprit et celle de son corps. Couvert d’une peau d’ours, il se couchait ordinairement sur la terre, la tête appuyée sur une selle ; sa nourriture était simple et grossière comme celle des héros d’Homère[1] ; les viandes dont il se nourrissait, et qui consistaient souvent en chair de cheval, étaient rôties ou grillées sur les charbons. L’habitude de la guerre forma et disciplina son armée, et il y a lieu de croire qu’il n’était pas permis aux soldats de porter le luxe plus loin que leur général. Une ambassade de l’empereur Nicéphore détermina Swatoslas à entreprendre la conquête de la Bulgarie, et un présent de quinze cents livres d’or servit à le défrayer des dépenses de l’expédition, ou à payer les travaux qu’elle devait lui coûter. Il embarqua soixante mille hommes qui sortirent de l’embouchure du Borysthène, et marchèrent vers celle du Danube ; leur débarquement se fit sur la côte de Mœsie ; et, après un combat sanglant, l’épée des Russes triompha des

  1. Celle ressemblance se découvre bien clairement dans le neuvième livre de l’Iliade (205-221), et les détails de la cuisine d’Achille. Un poète qui mettrait aujourd’hui un pareil tableau dans un poëme épique, déshonorerait son ouvrage et dégoûterait ses lecteurs : mais les vers grecs sont harmonieux ; les expressions d’une langue morte nous paraissent rarement ignobles ou familières ; et vingt-sept siècles, écoulés depuis le temps d’Homère, rendent les mœurs de l’antiquité très-piquantes pour nous.