Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 11.djvu/449

Cette page a été validée par deux contributeurs.

la Syrie. Le dernier siècle des croisades mit momentanément à leur disposition une armée et un revenu considérables ; et de profonds raisonneurs ont fortement soupçonné que, depuis le premier synode de Plaisance, la politique de Rome avait seule conduit toutes ces entreprises. Ce soupçon n’est fondé ni en réalité ni en vraisemblance. Les successeurs de saint Pierre paraissent avoir plutôt suivi que dirigé l’impulsion des mœurs et des préjugés ; sans en prévoir la saison, sans en soigner la culture, ils recueillaient en leur temps les fruits naturels de la superstition ; et cette récolte se faisait pour eux sans travail et sans danger. Innocent annonça en termes équivoques, dans le concile de Latran, le projet d’animer les croisés par son exemple ; mais le pilote du vaisseau sacré ne pouvait abandonner le gouvernail, et aucun des pontifes romains ne bénit de sa sainte présence les expéditions de la Palestine[1].

L’empereur Frédéric II dans la Palestine. A. D. 1228.

Les papes prenaient, sous leur protection immédiate, la personne, la famille et la fortune des pèlerins. Ces patrons spirituels s’arrogèrent bientôt le droit de diriger leurs opérations et de les forcer à remplir leur engagement. Frédéric II[2], petit-fils

  1. Cette idée simple est conforme aux résultats du bon sens de Mosheim (Inst. Hist. eccl., p. 332), et de la Philosophie éclairée de Hume (Hist. d’Angl., vol. I, p. 330).
  2. On peut consulter pour les matériaux de la croisade de Frédéric II, Richard de Saint-Germain dans Muratori (Script. rerum ital., t. VII, p. 1002-1013), et Matthieu Paris (p. 286-291, 300-302, 304). Les modernes les plus rai-