Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 11.djvu/437

Cette page a été validée par deux contributeurs.

leur sort ; ils obtinrent une capitulation, mais à de dures conditions. On stipula, pour prix de leur vie et de leur liberté, une somme de deux cent mille pièces d’or, la délivrance de cent nobles et de quinze cents captifs d’un ordre inférieur, et la restitution du bois de la vraie croix. Quelques contestations sur le traité, et quelques délais dans l’exécution, ranimèrent la fureur des Francs, et le sanguinaire Richard[1] fit décoller trois mille musulmans presque à la vue du sultan. Par la conquête d’Acre, les Latins acquirent une forte place et un port commode ; mais ils payèrent bien cher cet avantage. L’historien, ministre de Saladin, d’après les rapports des ennemis, évalue à cinq ou six cent mille le nombre des chrétiens arrivés successivement, et celui des soldats morts les armes à la main à cent mille. Il calcule que les maladies et les naufrages en enlevèrent une quantité beaucoup plus considérable ; et que de cette puissante armée, une très-petite partie seulement put retourner sans accidens dans sa patrie[2].

  1. Bohadin (p. 180) et les historiens chrétiens ne nient ni ne blâment ce massacre. Alacriter jussa complentes (les soldats anglais), dit Geoffroi de Vinisauf (l. IV, c. 4, p. 346), qui fixe le nombre des victimes à deux mille sept cents. Roger Hoveden les fait monter à cinq mille (p. 697, 698). Soit humanité, soit avarice, Philippe-Auguste se laissa persuader de rendre à ses prisonniers leur liberté pour une rançon (Jacques de Vitry, l. I, c. 98, p. 1122).
  2. Bohadin, p. 14. Il cite le jugement de Balianus et du prince de Sidon, et ajoute : ex illo mundo quasi hominum