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Mille Turcs périrent dans une sortie ; et Saladin, après avoir brûlé ses machines, retourna à Damas, terminant ainsi une campagne si glorieuse par une honteuse retraite. Il eut bientôt à soutenir une tempête plus redoutable. Des relations pathétiques et même des tableaux qui représentaient, d’une manière faite pour émouvoir, l’esclavage et la profanation de Jérusalem, réveillèrent le zèle engourdi de l’Europe. L’empereur Frédéric Barberousse et les rois de France et d’Angleterre prirent la croix ; les faibles états maritimes de l’Océan et de la Méditerranée devancèrent la lenteur de leurs immenses préparatifs. Les Italiens, habiles et prévoyans, s’embarquèrent les premiers sur des vaisseaux de Pise, de Gênes et de Venise, qui furent suivis de près par les pèlerins les plus empressés de la France, de la Normandie et des îles de l’Occident. Près de cent vaisseaux se trouvèrent remplis des secours puissans de la Flandre, de la Frise et du Danemarck, et les guerriers du Nord se faisaient distinguer dans la plaine par leur haute taille et leur pesante hache de bataille[1]. La voix de Conrad et les murs de Tyr ne purent contenir long-temps cette multitude sans cesse croissante. Ils déploraient l’infortune et révéraient la dignité de Lusignan, que les Turcs avaient

  1. Northmanni et Gothi, et cæteri populi insularum quæ inter occidentem et septentrionem positæ sunt, gentes hellicosæ, corporis proceri, mortis intrepidæ, bipennibus armatæ navibus rotundis quæ Ysnachiæ dicuntur advectæ.