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soutinrent avec quelques succès une guerre très-vive contre les infidèles. Mais la lèpre, fruit des croisades, priva Baudouin IV, fils d’Amauri, des facultés du corps et de l’esprit. Sa sœur, Sybille, mère de Baudouin V, se trouvait son héritière naturelle, et celle-ci, après la mort suspecte de son fils, couronna son second mari, Guy de Lusignan, prince d’une belle figure, mais de si peu de réputation, qu’on entendit Geoffroi, son propre frère, s’écrier : « Puisqu’ils en ont fait un roi, ils auraient sûrement fait de moi un dieu. » Ce choix fut généralement blâmé. Raimond, comte de Tripoli, le plus puissant des vassaux qu’on avait exclus de la succession et de la régence, conçut contre le roi une haine implacable, et vendit au sultan son honneur et sa conscience. Tels étaient les gardiens de la sainte cité, un lépreux, un enfant, une femme, un lâche et un traître. Sa chute fut cependant encore retardée douze années par quelques secours d’Europe, par la valeur des religieux militaires, et par les occupations que trouva son grand ennemi, soit dans l’intérieur de son empire, soit à une grande distance de celui de Jérusalem. À la fin, cet état, sur le penchant de sa ruine, se trouva environné et pressé de tous côtés par un cercle d’ennemis, et les Francs violèrent imprudemment la trêve qui prolongeait leur existence. Renaud de Châtillon, soldat de fortune, avait surpris une forteresse voisine du désert, d’où il pillait les caravanes, insultait la religion du prophète, et menaçait les villes de Médine et de la