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les gouverneurs recevaient des ordres secrets de fortifier les passages et d’abattre les ponts ; on pillait et l’on assassinait inhumainement les traîneurs ; dans le passage des forêts, des flèches lancées par des mains invisibles perçaient les chevaux et les soldats. On brûlait les malades dans leur lit, et les Grecs pendaient à des gibets, le long des routes, les cadavres de ceux qu’ils avaient égorgés. Ces injures enflammèrent le courroux des champions de la croix, qui n’étaient point doués d’une patience évangélique ; et pour éviter les suites d’une inimitié qu’ils avaient provoquée sans être de force à la repousser, les princes grecs hâtèrent le départ et l’embarquement de ces hôtes formidables. Près de la frontière des Turcs, Barberousse épargna la coupable Philadelphie[1], récompensa les services de Laodicée, et déplora la nécessité fatale qui l’avait forcé de répandre le sang de quelques chrétiens. Dans leurs entrevues avec les souverains de la France et de l’Allemagne, l’orgueil des princes grecs fut exposé à de fréquentes mortifications. La première fois que Louis parut devant Manuel, on ne lui donna qu’un tabouret bas auprès du trône[2] ; mais dès que son armée

  1. Nicétas blâme la conduite des habitans de Philadelphie, tandis que l’anonyme allemand accuse ses compatriotes de brutalité (culpâ nostrâ). Il serait à souhaiter qu’on ne rencontrât dans l’histoire que des contradictions de cette espèce. C’est aussi Nicétas qui nous apprend la pieuse douleur et les sentimens humains de Frédéric.
  2. χθαμαλη εδρα, que Cinnamus traduit en latin par le