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texte et l’occasion. Les monarques de l’Occident avaient stipulé que leurs troupes auraient un libre passage dans les états de l’empereur grec, et y seraient approvisionnées à des prix convenables ; le traité était de part et d’autre garanti par des sermens et des otages, et le plus pauvre des soldats de Frédéric portait avec lui trois marcs d’argent qui lui avaient été donnés pour les frais de sa route. Mais l’injustice et la perfidie violèrent tous les engagemens, et l’aveu sincère d’un historien grec, qui préférait la vérité à l’honneur[1] de ses compatriotes, atteste les injures multipliées dont eurent à se plaindre les Latins. Au lieu de les recevoir amicalement, les villes d’Europe et d’Asie leur fermèrent leurs portes, et du haut des murs on leur descendait dans des paniers des provisions insuffisantes. L’expérience du passé et la crainte de l’avenir pouvaient excuser cette timide inquiétude ; mais l’humanité défendait de mêler dans leur pain de la chaux et d’autres ingrédiens mortels. Quand on pourrait acquitter Manuel du soupçon de connivence dans ces odieuses manœuvres, on ne peut le laver du reproche d’avoir fait battre de la monnaie à un faux titre pour commercer avec les pèlerins. À chaque pas on les arrêtait ou on les égarait dans leur route ;

  1. Nicétas était encore enfant au temps de la seconde croisade ; mais à la troisième, il défendit contre les Francs le poste important de Philippopolis. Cinnamus est rempli d’orgueil et de partialité nationale.