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nes de Hongrie ; et, après ce que nous avons vu des premières croisades, nous ne nous étonnerons plus que la crédulité ait porté à six cent mille pèlerins le nombre de ceux qui composaient cette dernière émigration[1]. Ces calculs extravagans ne prouvent que la surprise des contemporains ; mais cette surprise constate évidemment une très-grande multitude, quoiqu’elle ne la définisse pas. Les Grecs pouvaient s’applaudir de leur supériorité dans l’art et les stratagèmes de la guerre ; mais ils rendaient justice à la valeur puissante de la cavalerie française et de l’infanterie des Allemands[2] ; ces étrangers sont dépeints comme une race de fer, de taille gigantesque, dont les yeux lançaient des flammes, et qui versait le sang comme de l’eau. Conrad avait à sa suite une troupe de femmes armées comme des chevaliers. Les bottines et les éperons dorés du chef de

  1. Ce calcul extravagant est d’Albert de Stade (apud Struv., p. 414). J’ai pris le mien dans Godefroi de Viterbe, Arnold de Lubeck, apud eumdem, et Bernard le Trésorier (c. 169, p. 804). Les auteurs originaux gardent le silence ; les mahométans évaluaient son armée à deux cents ou deux cent soixante mille hommes. (Bohadin, in vit. Saladin., p. 110.)
  2. Je dois observer que dans la seconde et la troisième croisades, les Grecs et les Orientaux appellent les sujets de Conrad et de Frédéric, Alamanni ; les Lechi ou Tzechi de Cinnamus sont les Polonais et les Bohémiens ; il réserve aux Français l’ancienne dénomination de Germains. Il cite aussi les Βριταννοι ou Βριττοι.