Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 11.djvu/37

Cette page a été validée par deux contributeurs.

lors de l’institution du sacrement. Luther soutenait la présence corporelle de Jésus-Christ dans l’eucharistie. Calvin croyait à la présence réelle et ce n’est que lentement que l’opinion de Zwingle, que l’eucharistie n’est qu’une communion spirituelle, un simple mémorial, s’est établie dans les Églises réformées[1]. Mais la perte d’un mystère s’est trouvée largement compensée par les étonnantes doctrines du péché originel, de la rédemption, de la foi, de la grâce et de la prédestination qu’on a tirées des Épîtres de saint Paul. Sans doute les pères et les scolastiques avaient préparé ces subtiles questions ; mais il faut attribuer leur perfectionnement définitif et leur usage populaire aux chefs de la réforme, qui les donnèrent pour des articles de croyance indispensables au salut. Jusqu’ici, sous le rapport de la difficulté de croire, le désavantage est tout entier du côté du protestantisme, et beaucoup de chrétiens aimeraient mieux soumettre leur raison à l’idée d’une hostie transformée en Dieu, que de reconnaître pour Dieu un tyran capricieux et cruel.

Toutefois Luther et ses rivaux ont rendu des services durables et importans, et le philosophe doit

  1. La réformation de l’Angleterre s’opéra sous Édouard VI d’une manière plus hardie et plus complète ; mais la déclaration formelle et énergique, contenue dans les articles fondamentaux de notre Église, contre la présence réelle, a été effacée dans l’original pour plaire au peuple, aux luthériens ou à la reine Elisabeth (Burnet, History of the Reformation, vol. II, p. 82, 128, 302).