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sans nul doute un avantage dès qu’il est compatible avec la vérité et la piété. Après une discussion impartiale, on est plus surpris de la timidité des réformateurs que scandalisé de leur liberté[1]. Ainsi que les Juifs, ils adoptaient tous les livres des Hébreux avec toutes leurs merveilles, depuis le jardin d’Éden jusqu’aux visions du prophète Daniel ; ils se crurent obligés, ainsi que les catholiques, de justifier contre les Juifs l’abolition d’une loi émanée de Dieu. Les réformateurs étaient d’une orthodoxie rigoureuse sur les grands mystères de la Trinité et de l’Incarnation ; ils adoptaient sans contestation la doctrine des quatre ou des six premiers conciles, et selon le symbole de saint Athanase, ils prononçaient la damnation éternelle de tous ceux qui ne se conformaient pas au symbole de l’Église catholique. Le dogme de la transsubstantiation, ou changement invisible du pain et du vin au corps et au sang de Jésus-Christ, peut difficilement soutenir les attaques du raisonnement et de la plaisanterie ; mais au lieu de consulter le témoignage de leurs sens, de la vue, du toucher et du goût, les premiers protestans s’embarrassèrent dans leurs propres scrupules, et se laissèrent imposer par les paroles que proféra Jésus

  1. Mosheim expose dans la seconde partie de son histoire générale, les opinions et les procédés des premiers réformateurs ; mais la balance qu’il a tenue jusque-là d’un œil si sûr et d’une main si ferme, commence alors à pencher en faveur de ses frères les luthériens.