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comte de Toulouse et de Provence fut soupçonné d’une indisposition volontaire ; les censures de l’Église rappelèrent des bords de la mer le duc de Normandie. Hugues-le-Grand, bien qu’il commandât l’avant-garde de l’armée, saisit un prétexte équivoque pour retourner en France, et Étienne de Chartres déserta honteusement l’étendard qu’il portait et le conseil dont il était président. Les soldats perdirent courage en voyant partir Guillaume, vicomte de Melun, que les coups vigoureux de sa hache d’armes faisaient surnommer le Charron ; et les saints furent scandalisés de la chute de Pierre l’ermite, qui, après avoir armé l’Europe contre l’Asie, tenta de se soustraire aux mortifications d’un jeûne forcé. Les noms d’une multitude de guerriers sans courage ont été effacés, dit un historien, du livre de vie ; et l’on appliqua l’épithète ignominieuse de danseurs de corde aux déserteurs qui descendirent, durant la nuit, des murs d’Antioche. L’empereur Alexis, qui semblait s’avancer au secours des Latins[1], fut découragé en apprenant que leur situation était sans ressource. Livrés à un morne désespoir, ils semblaient attendre leur sort avec tranquillité. On essaya sans succès des sermens et des punitions ; et, pour forcer les soldats à la dé-

  1. Voyez la suite de la croisade, la retraite d’Alexis, la victoire d’Antioche et la conquête de Jérusalem dans l’Alexiade, l. XI, p. 317-327. Anne était si portée à l’exagération, qu’elle ne peut y renoncer, même en racontant les exploits des Latins.