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sante cavalerie. Il y a lieu de croire que l’infanterie était destinée au service d’archers, de pionniers, d’éclaireurs. Mais le désordre qui régnait dans cette multitude ne permit aucune idée positive sur le nombre de ceux qui la composaient, et nous n’en avons d’autre garant que l’opinion ou l’imagination d’un chapelain du comte Baudouin[1], dont le témoignage n’est fondé ni sur un examen oculaire, ni sur des connaissances certaines : il évalue le nombre des pèlerins en état de porter les armes à six cent mille, sans compter les prêtres, les moines, les femmes et les enfans, qui suivaient le camp des Latins. Le lecteur se récriera sans doute ; mais avant qu’il soit revenu de son étonnement, j’ajouterai, d’après la même autorité, que si tous ceux qui reçurent la croix avaient accompli leur vœu, plus de six millions d’Européens seraient partis pour l’Asie. Effrayé de ce qu’on veut m’obliger à croire, je reçois quelque soulagement de l’opinion d’un historien plus judicieux et plus réfléchi[2], qui, après la même évaluation de la cavalerie, accuse le prêtre de Char-

  1. Foulcher de Chartres, p. 387. Il compte dix-neuf nations différentes de nom et de langage (p. 389). Mais je ne comprends pas clairement la différence des Franci et des Galli, des Itali et des Apuli. Ailleurs (p. 385) il traite les déserteurs avec le plus grand mépris.
  2. Guibert, p. 556. Mais son opposition modeste semble encore admettre une très-grande multitude. Urbain II, dans la ferveur de son zèle, n’évalue le nombre des pèlerins qu’à trois cent mille (Epist. 16, Concil., t. XII, p. 731).