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délivrer l’Asie et repousser les Turcs des environs du Bosphore et de l’Hellespont. Les provinces fertiles depuis Nicée jusqu’à Antioche, avaient été récemment enlevées à l’empereur romain, qui soutenait encore ses anciens droits sur les royaumes de la Syrie et de l’Égypte. Dans son enthousiasme, Alexis se livra ou feignit de se livrer à l’ambitieuse espérance de voir ses nouveaux alliés renverser avec lui les trônes de l’Asie ; mais après quelques réflexions, la raison et ses dispositions naturelles à la méfiance le détournèrent de confier sa personne à des Barbares inconnus et sans frein. Il se contenta d’exiger des pèlerins français, par prudence ou par orgueil, un vain hommage ou serment de fidélité, et la promesse de lui restituer leurs conquêtes d’Asie, ou de se reconnaître pour les humbles et fidèles vassaux de son empire. Leur fierté se révolta d’abord à la proposition d’une servitude volontaire ; mais ils cédèrent successivement aux artifices séduisans de la flatterie et de la libéralité ; et les premiers vaincus travaillèrent efficacement à multiplier les complices de leur honte. L’orgueil de Hugues de Vermandois ne tint point contre les honneurs qu’il reçut dans sa captivité, et l’exemple d’un frère du roi de France entraîna la soumission générale. Godefroi de Bouillon regardait toutes les considérations humaines comme subordonnées à la gloire de Dieu et au succès de la croisade ; il s’était constamment refusé aux sollicitations de Raimond et de Bohémond, qui le pressaient d’entreprendre la conquête de Constantinople. Alexis,