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et des événemens, le vertueux Godefroi se contenta de déplorer les crimes et les malheurs de ses indignes compatriotes. Il envoya douze députés, comme messagers de paix, demander en son nom la liberté du passage, et des provisions à un prix modéré. Pour ôter toute inquiétude aux Hongrois, Godefroi confia sa personne et ensuite celle de son frère à leur souverain Carloman, qui les traita d’une manière simple mais amicale. Ils jurèrent réciproquement sur l’Évangile, l’objet commun de leur foi, d’observer les conventions ; et une proclamation portant peine de mort contint la licence et l’animosité des soldats latins. Depuis l’Autriche jusqu’à Belgrade, ils traversèrent les plaines de la Hongrie sans commettre ou souffrir la moindre injure ; et la présence de Carloman, qui voltigeait sur leurs flancs avec sa nombreuse cavalerie, servit autant à leur sûreté qu’à celle de ses états. Les croisés atteignirent les bords de la Save, et dès qu’ils eurent passé la rivière, le roi de Hongrie rendit les otages, et se sépara d’eux avec les vœux les plus sincères pour le succès de leur entreprise. Godefroi traversa de la même manière, et en observant la même discipline, les forêts de la Bulgarie et les frontières de la Thrace, et put se féliciter d’avoir presque atteint le premier terme de son pèlerinage sans avoir tiré l’épée contre un chrétien. Après avoir suivi de Turin à Aquilée les routes agréables et faciles de la Lombardie, Raimond et ses Provençaux firent une marche de quarante