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notre siècle ne concevra pas la vive impression que produisit cette promesse sur des âmes criminelles et fanatiques. À la voix de leur pasteur, les brigands, les meurtriers, les incendiaires accouraient par milliers, pour racheter leur âme, en transportant chez les infidèles les fureurs qu’ils avaient exercées dans leur patrie. Les coupables, de tous les rangs et de toutes les espèces, adoptèrent avidement ce nouveau moyen d’expiation. Nul n’était pur, nul ne pouvait se croire exempt de péché ni de pénitence ; et ceux qui avaient le moins à redouter de la justice de Dieu ou de l’Église, n’en avaient que plus de droit d’attendre, dans ce monde et dans l’autre, la récompense de leur pieux courage. Le clergé latin n’hésita point à promettre la couronne du martyre[1] à ceux qui succomberaient dans cette sainte expédition ; et ceux qui survivraient à la conquête de la Terre-Sainte, devaient attendre sans impatience le prix toujours croissant qui leur était réservé dans le ciel. Ils offraient leur sang au fils de Dieu qui s’était immolé pour leur salut ; ils prenaient la croix et entraient avec confiance dans la voie du Seigneur ; sa providence devait veiller sur eux, et peut-être sa puissance devait-elle leur aplanir visiblement et

  1. Telles étaient du moins la confiance des Croisés et l’opinion unanime des historiens. (Esprit des Croisades, l. III, p. 477) ; mais selon la théologie orthodoxe, les prières pour le repos de leurs âmes semblent incompatibles avec les mérites du martyre.