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barrière de l’Occident, et le privilége de la défense doit s’étendre aussi légitimement à prévenir qu’à repousser une invasion : mais le succès de cette entreprise n’exigeait pas des secours si nombreux, et la raison ne peut approuver les effrayantes émigrations qui dépeuplèrent l’Europe et s’ensevelirent inutilement dans l’Asie. 2o. La possession de la Palestine n’aurait contribué d’aucune manière à la puissance ou à la sûreté des Latins, et le fanatisme a pu seul entreprendre d’excuser cette conquête d’une petite contrée éloignée. Les chrétiens réclamaient leurs droits sur la terre promise en vertu d’un titre inaliénable scellé du sang de Jésus-Christ ; leur devoir les obligeait, disaient-ils, à chasser de leur saint héritage d’injustes possesseurs qui profanaient son sépulcre et insultaient à la dévotion des pèlerins. On alléguerait vainement que la prééminence de Jérusalem et la sainteté de la Palestine avaient disparu avec la loi de Moïse ; que le Dieu des chrétiens n’est point une divinité locale, et que la possession de Bethléem ou du Calvaire, l’acquisition de sa tombe et de son berceau, ne lui feront point excuser la violation des préceptes moraux de l’Évangile. Ces argumens s’émousseront toujours contre les armes pesantes de la superstition, et les âmes religieuses n’abandonneront pas aisément leurs droits sur la terre sacrée des mystères et des miracles ; 3o. mais les guerres saintes, qui ont ensanglanté tous les climats de ce globe, depuis l’Égypte jusqu’à la Livonie, et depuis le Pérou jusqu’à Hindoustan, ont eu besoin