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— Dieu le veut en vérité, leur répliqua le pieux Urbain ; que ce mot mémorable, dicté sans doute par le Saint-Esprit, soit dorénavant votre cri de guerre ; il animera le zèle et le courage des défenseurs de Jésus-Christ. Sa croix est le symbole de votre salut. Portez-en une rouge, de couleur de sang, sur votre poitrine ou sur vos épaules, comme une marque extérieure de votre engagement irrévocable. » On obéit avec joie ; un grand nombre d’ecclésiastiques et de laïques attachèrent sur leurs habits le signe des croisés[1], et pressèrent Urbain de marcher à leur tête. Le prudent successeur de Grégoire refusa ce dangereux honneur, alléguant pour motif le schisme de l’Église et les devoirs du pontificat. Il recommanda aux fidèles dont le sexe, la profession, l’âge ou les infirmités retenaient le zèle, de seconder, par leurs prières et leurs aumônes, le courage de ceux à qui leurs forces permettaient de servir en personne. Urbain donna le titre et les pouvoirs de légat apostolique à Adhémar, évêque du Puy en Velay, qui avait reçu le premier la croix

  1. Ils le portaient ordinairement sur l’épaule, brodé en or ou en soie, ou composé de deux morceaux d’étoffe cousus sur l’habit. Dans la première Croisade toutes les croix étaient rouges ; dans la troisième, les Français conservèrent seuls cette couleur. Les Flamands prirent des croix vertes, et les Anglais adoptèrent les blanches (Ducange, t. II, p. 651). Cependant le rouge paraît être la couleur favorite des Anglais, et en quelque façon la couleur nationale pour les drapeaux et les uniformes militaires.