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CHAPITRE LVIII.

Origine de la première Croisade et nombre des Croisés. Caractère des princes latins. Leur marche à Constantinople. Politique de l’empereur grec Alexis. Conquête de Nicée, d’Antioche et de Jérusalem par les Francs, Délivrance du saint Sépulcre. Godefroi de Bouillon, premier roi de Jérusalem. Institution du royaume français ou latin.

Première croisade. A. D. 1095-1099. Pierre l’Ermite.

Environ vingt ans après que les Turcs se furent emparés de Jérusalem, un ermite nommé Pierre, né à Amiens en Picardie[1], visita le Saint-Sépulcre. Ce qu’il vit souffrir aux chrétiens, ce qu’il souffrit lui-même, excita son ressentiment et sa sensibilité ; mêlant ses larmes à celles du patriarche, il le pressa de lui apprendre si on ne pouvait plus espérer aucun secours des empereurs de l’Orient. Le patriarche lui peignit les vices et la faiblesse des successeurs de Constantin : « J’armerai pour vous, lui dit Pierre, les nations guerrières de l’Europe ; » et l’Europe fut docile à la voix de l’ermite. Le patriarche, étonné,

  1. L’origine du nom de Picards, et conséquemment de Picardie, est assez singulière. Elle ne remonte guère qu’à A. D. 1200. Ce fut d’abord un bon mot académique, une épithète qu’on appliqua à l’humeur querelleuse des étudians de l’université de Paris, qui venaient des frontières de la France ou de la Flandre. (Valois, Notitia Galliarum, p. 447 ; Longuerue, Descript. de la France, p. 54.)