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des Grecs fugitifs ; mais il médita la conquête plus glorieuse du Turkestan, berceau de la maison de Seljouk. Il se porta de Bagdad aux rives de l’Oxus ; on jeta un pont sur le fleuve, et le passage de ses troupes occupa vingt journées. Mais le gouverneur de Berzem, Joseph le Carizmien, arrêta ses progrès et osa défendre sa forteresse contre les forces de l’Orient. Lorsqu’on amena le captif dans la tente royale, le sultan, au lieu de donner des éloges à sa valeur, lui reprocha durement sa folle obstination ; irrité de l’insolence des réponses de Joseph, Arslan ordonna de l’attacher à quatre poteaux et de le laisser mourir dans cette affreuse situation. Le Carizmien, désespéré, tira son poignard et se précipita vers le trône ; les gardes levèrent leur hache de bataille ; leur zèle fut réprimé par Arslan, le plus habile archer de son temps ; il tira son arc, mais son pied glissa ; le trait ne fit qu’effleurer les flancs du captif, qui plongea son poignard dans le sein du sultan, et qui au même instant fut mis en pièces. La blessure était mortelle, et le prince turc donna cette leçon à l’orgueil des rois. « Dans ma jeunesse, dit-il en mourant, un sage me conseilla de m’humilier devant Dieu, de me défier de mes forces, et de ne jamais dédaigner l’ennemi qui paraît le plus méprisable. J’ai négligé ces avis, et je suis justement puni de cette négligence. Lorsque du haut de mon trône je regardais hier les nombreux bataillons, la discipline et le courage de mon armée, la terre paraissait trembler sous mes pieds, et je disais dans mon cœur :