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[Sa mort. A. D. 1085. Juillet 17.]l’île de Céphalonie : Robert lui-même y mourut dans sa tente à l’âge de soixante-dix ans. Le bruit public fut que ce prince avait été empoisonné par sa femme ou par l’empereur grec[1]. Cette mort prématurée permet à l’imagination de s’égarer dans la carrière des exploits qui pouvaient lui être réservés, et il est assez prouvé que la grandeur des Normands dépendait de son existence[2]. Une armée victorieuse, qui ne voyait plus d’ennemis autour d’elle, se dispersa ou se retira avec le désordre de la consternation, et Alexis, qui avait tremblé pour son empire, se réjouit de sa délivrance. La galère qui portait les restes de Guiscard fit naufrage sur la côte d’Italie ;

  1. Les auteurs les plus authentiques, Guillaume de la Pouille (l. V, p. 277), Geoffroy Malaterra (l. III, c. 41, p. 589), et Romuald de Salerne (Chron. in Muratori, Script. rerum ital., t. VII), ne parlent point de ce crime, qui paraît si évident à Guillaume de Malmsbury (l. III, p. 107), et à Roger de Hoveden (p. 710, in Scrip. post Bedam). Hoveden explique comme quoi Alexis-le-Juste épousa, couronna et fit brûler vive sa complice. Cet historien anglais est si aveugle, qu’il place Robert Guiscard ou Wiscard au nombre des chevaliers de Henri Ier, qui monta sur le trône quinze ans après la mort du duc de la Pouille.
  2. Anne Comnène jette avec joie quelques fleurs sur le tombeau d’un ennemi (Alexiade, l. V, p. 162-166) ; mais le mérite de Guiscard est bien mieux prouvé par l’estime et la jalousie de Guillaume-le-Conquérant, dans les états duquel vivait sa famille. Græcia (dit Malaterra) hostibus recedentibus libera læta quievit : Apulia tota, sive Calabria turbatur.