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confirma l’infâme’ réputation des rochers Acrocérauniens[1]. Les voiles, la mâture et les rames furent mises en pièces ou enlevées au loin. La mer et les rivages furent couverts de débris de vaisseaux, d’armes et de cadavres ; et les eaux engloutirent ou endommagèrent la plus grande partie des munitions. La galère ducale n’échappa qu’avec beaucoup de peine à la fureur des vagues, et Robert s’arrêta sept jours sur le cap voisin, pour rassembler les restes de sa flotte, et ranimer le courage abattu de ses soldats. Les Normands n’étaient plus ces audacieux marins qui avaient reconnu l’Océan, du Groenland au mont Atlas, et qu’on avait vus sourire aux misérables dangers de la Méditerranée. Ils pleurèrent durant la tempête, et tremblèrent à l’approche des Vénitiens, que les prières et les promesses de la cour de Byzance avaient engagés à les attaquer. L’action du premier jour ne fut pas désavantageuse à Bohémond, jeune homme imberbe[2], qui commandait

  1. Infames scopulos Acroceraunia, Horat., Carmen I, 3. Il y a un peu d’exagération dans le præcipitem Africum decertantem aquilonibus et rabiem Noti, et dans les monstra natantia de l’Adriatique ; mais c’est un exemple intéressant pour l’histoire de la poésie et de l’amitié, qu’Horace tremblant pour la vie de Virgile.
  2. Των δε εις τον πωγωνα αυτο‌υ εφυβρισαντων (Alexiade, l. IV, p. 106). Cepend Not. ad Alex., p. 285.)