Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 11.djvu/149

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Conquête de la Sicile par le comte Roger. A. D. 1060-1090.

Roger, le douzième et le dernier des fils de Tancrède, avait été retenu long-temps en Normandie par sa jeunesse et le grand âge de son père. Appelé ensuite en Italie, il se hâta d’arriver dans la Pouille, où il mérita l’estime, et où bientôt après il excita la jalousie de Guiscard. Ils avaient la même valeur et la même ambition ; mais la jeunesse, la beauté et les manières élégantes de Roger, captivèrent l’affection des soldats et du peuple. Il avait si peu de moyens de subsistance pour lui et sa suite, composée de quarante personnes, qu’il descendit du rôle de guerrier à celui de brigand, et du brigandage au vol domestique. On avait alors des notions si imparfaites sur la propriété, que son propre historien, et par son ordre particulier, l’accuse d’avoir dérobé des chevaux dans une écurie de Melphi[1]. Son courage le fit sortir de la pauvreté et de la honte : il quitta ses viles habitudes pour la gloire et pour le mérite d’une guerre contre les infidèles, et il fut se-

  1. Latrocinio armigerorum suorum in multis sustentabatur, quod quidem ad ejus ignominiam non dicimus ; sed ipso ita præcipiente adhuc viliora et reprehensibiliora dicturi sumus, ut pluribus patescat, quam laboriose et cum quantâ angustiâ à profundâ paupertate ad summum culmen divitiarum vel honoris attigerit. C’est ainsi que Malaterra prépare le récit du vol des chevaux (l. I, c. 25). Du moment où cet auteur a fait mention de Roger son protecteur (l. I, c. 19), Guiscard ne paraît plus jouer que le second rôle. On remarque quelque chose de semblable dans Velleius Paterculus, à l’occasion d’Auguste et de Tibère.