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porter, de cette noblesse de maintien faite pour imposer à tous. Son visage était vermeil, ses épaules larges, ses longs cheveux et sa longue barbe avaient la couleur du lin, ses yeux jetaient du feu, et sa voix, comme celle d’Achille, pouvait au milieu du tumulte d’une bataille, maintenir l’obéissance et répandre la terreur. Dans les siècles barbares de la chevalerie, ces avantages étaient trop importans pour échapper à l’attention du poète ou de l’historien. Ils observent que Robert faisait tout à la fois et avec la même dextérité, usage de son épée qu’il tenait de la main droite, et de sa lance qu’il tenait de la main gauche ; qu’il fut désarçonné trois fois à la bataille de Civitella, et qu’à la fin de cette journée mémorable, il fut reconnu qu’il avait remporté le prix de la valeur sur tous les guerriers, soit de l’une ou de l’autre armée[1]. Son insatiable ambition était fondée sur le sentiment de sa supériorité ; dans le choix de ses moyens d’élévation, il n’était jamais arrêté par les scrupules de la justice ; rarement par les sentimens de l’humanité ; et quoiqu’il ne fût pas insensible à

  1. Je vais citer quelques-uns des meilleurs vers de l’Apulien (l. II, p. 370) :

    Pugnat utraque manu, nec lancea cassa, nec ensis
    Cassus erat, quocunque manu deducere vellet.
    Ter dejectus equo, ter viribus ipse resumptis
    Major in arma redit : stimulos furor ipse ministrat.
    Ut leo cum frendens, etc.

    Nullus in hoc bello sicuti post bella probatum est
    Victor vel victus, tam magnos edidit ictus.