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Pierre se trouvait occupé par Léon IX, un saint[1] dans toute la simplicité de ce caractère, fait pour se tromper lui-même et tromper le monde, et par le respect qu’il inspirait, propre à consacrer sous le nom de piété les mesures les plus contraires à la pratique de la religion. Son humanité s’était laissé toucher par les plaintes, peut-être par les calomnies d’un peuple opprimé ; les impies Normands avaient interrompu le payement des dîmes, et on ne manqua pas de décider qu’on pouvait s’armer du glaive temporel contre des brigands sacriléges qui méprisaient les censures de l’Église. Léon, né en Allemagne, d’une famille noble et alliée de la maison royale, avait un libre accès à la cour de l’empereur Henri III, et possédait sa confiance : pour trouver des guerriers et des alliés, son zèle ardent le conduisit de la Pouille en Saxe, et des rives de l’Elbe à celles du Tibre. Pendant ces préparatifs, Argyre se servit en secret des armes les plus criminelles. Une multitude de Normands furent sacrifiés aux intérêts de l’état ou à des vengeances particulières, et le brave Drogon fut assassiné dans une église. [A. D. 1051.]Son frère,

  1. Wibert a composé une Vie de saint Léon IX, où l’on retrouve les passions et les préjugés de son siècle : cette Vie a été imprimée à Paris en 1615, in-8o, et insérée depuis dans les recueils des bollandistes de Mabillon et de Muratori. M. de Saint-Marc (Abrégé, t. II, p. 140-210, et p. 25-95, seconde colonne) a traité avec soin l’histoire publique et privée de ce pape.