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débarquèrent en Sicile, les deux frères étaient réconciliés ; l’union de la Sicile et de l’Afrique se trouvait rétablie, et des troupes gardaient le bord de la mer ; les Normands menaient l’avant-garde, et les Arabes de Messine sentirent la valeur d’un ennemi dont ils n’avaient pas encore éprouvé les coups. Dans une seconde action, l’émir de Syracuse fut désarçonné et transpercé par Guillaume de Hauteville, surnommé Bras-de-Fer. Dans une troisième bataille, ses intrépides soldats mirent en déroute une armée de soixante mille Sarrasins, et ne laissèrent aux Grecs d’autre fatigue que celle de poursuivre les troupes vaincues : brillante victoire, mais dont il faut dire que la plume de l’historien partage le mérite avec la lance des Normands ; il est sûr néanmoins qu’ils contribuèrent essentiellement aux succès de Maniacès, qui soumit à l’empereur treize cités et la plus grande partie de la Sicile. Il souilla sa gloire militaire par son ingratitude et sa tyrannie ; il oublia, dans le partage du butin, le mérite de ses braves auxiliaires : leur avarice et leur orgueil furent également révoltés de ce traitement injurieux. Ils se plaignirent par la bouche de leur interprète : on dédaigna leurs plaintes, et on fustigea l’interprète : les souffrances seules de cette fustigation lui étaient personnelles ; l’outrage regardait ceux dont il avait exprimé les sentimens ; c’était à eux à le venger. Cependant ils dissimulèrent jusqu’à ce que, soit du consentement des Grecs, soit en s’échappant, ils eussent trouvé moyen de repasser sur le continent