Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 11.djvu/119

Cette page a été validée par deux contributeurs.

la Normandie se reconnurent vassaux des successeurs de Charlemagne et de Capet. Cette énergie farouche qu’ils avaient apportée des montagnes glacées de la Norwège, se polit, sans se corrompre, sous un climat plus doux ; les compagnons de Rollon se mêlèrent peu à peu aux naturels du pays : ils adoptèrent les mœurs, la langue[1] et l’audace chevaleresque des Français ; et, dans un siècle guerrier, les Normands méritèrent la palme de la valeur et des prouesses militaires. Parmi les superstitions alors en usage, celles auxquelles ils se livrèrent avec le plus d’ardeur firent les pèlerinages de Rome,

    dix ou douze fois, afin de recevoir dix ou douze fois la tunique blanche qu’il était d’usage de donner aux néophytes. Aux funérailles de Rollon, on fit des concessions aux monastères pour le repos de son âme, et on sacrifia cent captifs ; mais, dans l’intervalle d’une ou de deux générations, le changement fut complet et général.

  1. Les Normands de Bayeux, ville située sur la côte de la mer, parlaient encore la langue danoise à une époque (A. D. 940) où, à Rouen, la cour et la capitale l’avaient déjà oubliée : Quem (Richard I) confestim pater Baiocas mittens Botoni militiæ suæ principi nutriendum tradidit, ut ibi lingua eruditus danica suis exterisque hominibus sciret aperte dare responsa (Wilhelm Gemeticensis, De ducibus Normannis, l. III, c. 8, p 623, édit. de Camden) ; Selden (Opera, t. II, p. 164-656) a donné un échantillon de la langue naturelle et favorite de Guillaume-le-Conquérant (A. D. 1035), échantillon qui se trouve aujourd’hui trop vieux et trop obscur, même pour les antiquaires et les gens de loi.