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« Nous ne sommes que deux, disait Abubeker en tremblant » : « Un troisième est avec nous, lui répondit le prophète, et c’est Dieu lui-même. » Dès que l’ardeur des poursuites se fut un peu ralentie, les deux fuyards sortirent du rocher et montèrent sur leurs chameaux : ils cheminaient vers Médine lorsqu’ils furent arrêtés par les émissaires des Koreishites ; à force de prières et de promesses, ils parvinrent à s’échapper de leurs mains. En ce moment de crise, la lance d’un Arabe aurait changé l’histoire du monde. Cette fuite de, Mahomet, où il passa de la Mecque à Médine, forme l’époque mémorable de l’hégyre[1], qui, après douze siècles, distingue encore les années lunaires des nations musulmanes[2].

Il est reçu à Médine en qualité de prince. A. D. 622.

La religion du Koran aurait péri dès son berceau, si Médine n’eut accueilli avec foi et respect les saints exilés de la Mecque. Médine ou la Cité, qu’on appelait Yatreb avant qu’elle fût consacrée comme le trône

  1. L’hégyre fut instituée par Omar, second calife, à l’imitation de l’ère des martyrs des chrétiens (d’Herbelot, p. 444), et, à proprement parler, elle commença soixante-huit jours avant la fuite de Mahomet, avant le premier de Moharren, ou le premier jour de cette année arabe, qui fut le vendredi 16 juillet, A. D. 622. (Abulféda, Vita Mohamm., c. 22, 23, p. 45-50 ; et l’édition qu’a donnée Greaves, des Epochæ Arabum d’Ullug Beig, etc., c. 1, p. 8-10, etc.)
  2. Les détails de la vie de Mahomet, depuis sa mission jusqu’à l’hégyre, se trouvent dans Abulféda (p. 14-45), et Gagnier (t. I, p. 134-251, 342-383). La légende qu’on trouve p. 187-234, est garantie par Al-Jannabi, et dédaignée par Abulféda.