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de Mahomet dans la Caaba, étaient repoussées par les cris d’Abu-Taleb : « Citoyens et pèlerins, s’écriait-il, n’écoutez pas le tentateur, ne prêtez point l’oreille à ces nouveautés impies ; soyez invariablement attachés au culte de Al Lata et de Al Uzzah. » Cependant ce vieux chef aimait toujours le fils d’Abdallah ; il défendait sa personne et sa réputation contre les attaques des Koreishites, dont la jalousie était dès long-temps excitée par la prééminence de la famille de Hashem. Ils couvraient leur haine du prétexte de la religion ; au temps de Job, le magistrat arabe punissait le crime d’impiété[1] ; et Mahomet était coupable du crime d’abandonner et de renier les dieux de sa nation ; mais la police de la Mecque était si défectueuse, que les chefs des Koreishites, au lieu d’accuser un criminel, furent réduits à employer la persuasion ou la violence. Ils s’adressèrent à diverses reprises à Abu-Taleb, avec le ton du reproche et de la menace. « Ton neveu, lui dirent-ils, insulte notre religion ; il accuse d’ignorance et de folie nos sages ancêtres ; fais-le taire promptement, de peur qu’il ne trouble et soulève la ville. S’il continue, nous mettrons l’épée à la main contre lui et ses adhérens, et tu répondras du sang de tes concitoyens. » Abu--

  1. Au temps de Job, les magistrats arabes punissaient réellement le crime d’impiété (c. 31, v. 26, 27, 28), et je rougis pour un respectable prélat (De pœsi Hebræorum, p. 650, 651, édit. Michaelis ; et Lettre d’un professeur à l’université d’Oxford, p. 15-53), de ce qu’il a justifié et célébré cette inquisition des patriarches.