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Selon une autre légende, il confondit au milieu d’une assemblée de la nation les koreishites qui lui adressaient un défi malicieux. Ses irrésistibles paroles coupèrent en deux l’orbe de la lune ; la planète obéissante s’éloigna de sa route, elle fit les sept révolutions autour de la Caaba ; et après avoir salué Mahomet en langue arabe, elle resserra tout à coup ses dimensions, entra par le col de sa chemise et sortit par sa manche[1]. Ces contes merveilleux amusent le vulgaire ; mais les plus graves

    point ni le ciel, ni Jérusalem, ni la Mecque ; il ne laisse échapper que ces mots mystérieux : Laus illi qui transtulit servum suum ab oratorio Haram ad oratorium remotissimum (Koran, c. 17, v. I ; in Maracci, t. II, p. 407, car Sale se permet plus de licence dans sa version). Base bien légère pour la structure aérienne de la tradition.

  1. Mahomet avait dit dans le style prophétique, qui emploie le présent ou le passé au lieu du futur : Appropinquavit hora et scissa est luna (Koran, c. 54, v. I) dans Maracci, t. II, p. 688). On a pris cette figure de rhétorique pour un fait qu’on dit attesté par des témoins oculaires les plus dignes de foi (Maracci, t. II, p. 690). Les persans célèbrent toujours la fête de cet événement (Chardin, t. IV, p. 201) ; et Gagnier (Vie de Mahomet, t. I, p. 183-234) nous déroule ennuyeusement toute cette légende, sur la foi, à ce qu’il semble, du crédule Al-Jannabi. Cependant un docteur musulman a attaqué le principal témoin (apud Pococke, Specimen, p. 187). Les meilleurs interprètes expliquent le passage du Koran de la manière la plus simple (Al-Beidawi, apud Hottinger, Hist. orient., l. II, p. 302) ; et Abulféda garde le silence qui convenait à un prince et à un philosophe.