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coup d’impression sur un dévot arabe dont l’esprit est monté à la crédulité et à l’enthousiasme, dont l’oreille est séduite par le charme des sons, et que son ignorance rend incapable de comparer entre elles les diverses productions de l’esprit humain[1]. L’harmonie et la richesse du style de l’original ne pourront passer à travers les traductions jusqu’à l’oreille de l’infidèle européen. Il ne parcourra qu’avec impatience cette interminable et incohérente rapsodie de fables, de préceptes et de déclamations, qui inspire rarement un sentiment ou une idée, qui se traîne quelquefois dans la poussière, et d’autres fois se perd dans les nues. Les attributs de Dieu exaltent l’imagination du missionnaire arabe ; mais ses accens les plus élevés sont bien au-dessous de la simplicité sublime du livre de Job, écrit dans le même pays et dans la même langue, à une époque très-ancienne[2]. Si la composition du Koran surpasse

  1. Une secte d’Arabes croyait que la plume d’un mortel pouvait égaler ou surpasser le Koran (Pococke, Specimen, p. 221, etc.) ; et Maracci (polémique trop dur pour un traducteur) tourne en ridicule l’affectation de rimes qui se trouve dans le passage le plus applaudi (tom. I, part. II, p. 69-75).
  2. Colloquia (soit réels ou fabuleux) in media Arabia atque ab Arabibus habita (Lowth, De poesi Hebræorum prælect. 32, 33, 34, avec Michaelis son éditeur allemand Epimetron IV). Cependant Michaelis (p. 671, 673) a remarqué plusieurs images qui viennent de l’Égypte, tels que l’elephantiasis, le papyrus, le Nil, le crocodile, etc. Il a caractérisé l’idiome dans lequel est écrit le livre de Job, par la dénomination équivoque d’Arabico-Hebræa La ressem-