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aucune image visible de l’invisible essence ne souilla jamais son sanctuaire. Après la destruction du temple de Jérusalem, la dévotion spirituelle de la synagogue épura, fixa et éclaira la foi des Hébreux proscrits ; et l’autorité de Mahomet ne suffit pas pour justifier le reproche qu’il a toujours fait aux Juifs de la Mecque ou de Médine d’adorer Ezra en qualité de fils de Dieu[1]. Mais les enfans d’Israël ne formaient plus un peuple, et toutes les religions du monde avaient le tort très-réel, aux yeux de ce prophète, de donner des fils, des filles ou des collègues au Dieu suprême. Dans la grossière idolâtrie des Arabes, cette pluralité se montre sans voile et sans subterfuge ; les sabéens n’échappaient que bien imparfaitement à ce reproche par la prééminence que, dans leur hiérarchie céleste, ils donnaient à la première planète ou intelligence ; et dans le système des mages, la lutte des deux principes trahit l’imperfection du vainqueur. Les chrétiens du septième siècle paraissaient être insensiblement retombés dans l’idolâtrie ; ils adressaient leurs vœux en public et en secret aux reliques et aux images qui déshonoraient les temples de l’Orient ; une foule de martyrs, de saints et d’anges, objets de la vénération populaire, obscurcissaient le trône du Tout-Puissant ; et les collyridiens, hérétiques qui floris-

  1. Koran, c. 9, p. 153. Al-Beidawi et les autres commentateurs cités par Sale, admettent cette accusation ; je ne vois pas que les traditions obscures ou absurdes des talmudistes puissent lui donner de la vraisemblance.