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sa mission prophétique porte l’empreinte d’un génie supérieur. Élevé au sein de la plus noble famille du pays, il y avait pris l’usage du dialecte le plus pur des Arabes ; il savait contenir la facilité et l’abondance de ses discours, et leur donner du prix par un silence gardé à propos. Avec tous ces dons de l’éloquence, Mahomet n’était qu’un Barbare ignorant : on ne lui avait appris dans sa jeunesse ni à lire ni à écrire[1] ; l’ignorance générale mettait la sienne à l’abri de la honte et du reproche ; mais des bornes étroites emprisonnaient son esprit, et il se trouvait

  1. Ceux qui croient que Mahomet savait lire et écrire, n’ont donc pas examiné ce qui est écrit d’une autre main que la sienne, dans les suras ou chap. du Koran 7, 29 et 96. Abulféda (in vit., c. 7), Gagnier (Not. ad Abulféda, p. 15), Pococke (Specimen, p. 151), Reland (De religione Mohammed, p. 236) et Sale (Disc. prelim., p. 43) admettent sans contestation ces textes et la tradition de la Sonna. M. White est presque le seul qui nie l’ignorance du prophète, afin d’accuser son imposture. Ses raisons sont loin d’être satisfaisantes. Deux voyages de peu de durée aux foires de Syrie ne suffisaient sûrement pas pour acquérir des connaissances si rares parmi les citoyens de la Mecque ; et ce n’était pas à la signature d’un traité qui se fait toujours de sang-froid, que Mahomet aurait laissé tomber le masque. On ne peut tirer aucune conséquence de ce qu’on dit sur sa maladie et son délire. Avant qu’il songeât à se donner pour un prophète, il aurait dû montrer souvent dans la vie privée qu’il savait lire et écrire ; et ses premiers prosélytes, les membres de sa famille, auraient été les premiers à reconnaître et à accuser son hypocrisie scandaleuse. (White, Sermons, p. 203, 204 ; Notes, p. 36-38.)