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l’abus du talent ; les chefs de l’Église grecque se contentaient humblement d’admirer et de copier les oracles anciens ; et les écoles ni la chaire ne produisirent aucun rival de la gloire de saint Athanase et de saint Chrysostôme[1].

Défaut d’émulation nationale.

Soit dans les travaux de la vie active ou dans ceux de la vie Spéculative, l’émulation des peuples et des individus est le mobile le plus puissant des efforts et des progrès du genre humain. Les villes de l’ancienne Grèce conservaient entre elles cet heureux mélange d’union et d’indépendance, qui se retrouve sur une plus grande échelle, mais dans une forme plus relâchée parmi les nations de l’Europe moderne : unies par la langue, la religion et les mœurs, elles se servaient réciproquement de spectateurs et de juges[2] ; indépendantes par un gouvernement et des intérêts distincts, chacune d’elles maintenait sa liberté séparément, et s’efforçait de surpasser ses rivales dans la carrière de la gloire. La situation des Romains était moins favorable : cependant dès les premiers temps de la république, c’est à-dire au moment où se forma le caractère national, on vit naître la même émulation parmi les états du Latium et de l’Italie ; et tous aspirèrent à égaler ou à surpasser, dans les arts et les sciences, les Grecs qui leur servaient de modèles. Il n’est pas douteux que l’empire des Césars n’ait

  1. Saint Bernard est le dernier père de l’Église latine, et Jean Damascène, qui vivait au huitième siècle, est révéré comme le dernier de l’Église grecque.
  2. Essais de Hume, vol. I, p. 125.