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pénibles efforts de ces écrivains pour s’élever, pour étonner le lecteur et revêtir d’exagération et d’obscurité une idée triviale. Dans leur prose, ils recherchent toujours le ton de la poésie, et leur poésie est encore au-dessous de la platitude et de l’insipidité de leur prose. Les muses de la tragédie, de l’épopée et du poëme lyrique demeuraient silencieuses et sans gloire ; les bardes de Constantinople ne s’élevaient guère au-dessus d’une énigme ou d’une épigramme, d’un panégyrique ou d’un conte ; ils oubliaient jusqu’aux règles de la prosodie, et, l’oreille remplie de la mélodie d’Homère, ils confondaient toutes les mesures de pieds et de syllabes dans ces accords impuissans qui ont reçu le nom de vers politiques ou vers de ville[1]. L’esprit des Grecs était resserré dans les chaînes d’une superstition vile et impérieuse, qui étend sa domination autour du cercle des sciences et des arts. Leur jugement s’égarait dans les controverses métaphysiques : la foi aux visions et aux miracles leur avait fait perdre tous les principes de l’évidence morale ; et leur goût était gâté par les homélies des moines, mélange absurde de déclamations et de phrases de l’Écriture. Ces misérables études ne furent même pas long-temps ennoblies par

  1. Les versus politici, ces prostitués qui se livrent à tout le monde, comme le dit Léon Allatius, à cause de leur facilité, avaient ordinairement quinze syllabes ; ils ont été employés par Constantin Manassès, Jean Tzetzès, etc. (Voyez Ducange, Gloss. latin., t. III, part. I, p. 345, 346, édit. de Bâle, 1762).