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et l’Occident qu’à bien gouverner les pièces d’un échiquier de deux pieds carrés[1] ; mais je présume qu’il fit dans l’un et l’autre de ces jeux beaucoup de fautes dangereuses, et j’observe que dans les provinces éloignées, l’autorité du premier et du plus puissant des Abbassides avait déjà perdu quelque chose. L’uniformité des moyens qu’emploie le despotisme revêt chaque représentant, dans sa partie, de toute la dignité du prince ; la division et la balance des pouvoirs durent relâcher l’habitude de l’obéissance, et encourager les sujets, jusque alors passifs dans leur soumission ; à rechercher l’origine et les devoirs du gouvernement civil. Celui qui est né sous la pourpre est rarement digne du trône ; mais l’élévation d’un simple citoyen, quelquefois même d’un paysan ou d’un esclave, donne généralement une haute opinion de son courage et de sa capacité. Le vice-roi d’un pays éloigné cherche à s’approprier le dépôt précaire confié à ses soins et à le transmettre à ses descendans ; les peuples aiment à voir leur souverain au milieu d’eux ; et les trésors, les armées dont il dispose, deviennent tout à la fois l’objet et l’instrument de son ambition. Tant que les lieutenans du calife se contentèrent du titre de vice-roi, tant qu’ils crurent devoir solliciter pour eux ou pour leur fils le renouvellement des pouvoirs qu’ils avaient reçus de l’empereur, tant que sur les monnaies et

  1. Hyde, Syntagma Dissertat., t. II, p. 57, in Hist. Shahiludii.