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cruel. Détesté de ses sujets, il eut recours à la fidélité des gardes turques : ces étrangers ambitieux et effrayés de la haine qu’ils inspiraient, se laissèrent séduire par les avantages que leur promettait une révolution. À l’instigation de son fils, ou du moins pour lui donner la couronne, ils se précipitèrent à l’heure du souper dans l’appartement du calife, et le coupèrent en sept morceaux avec les mêmes glaives qu’il venait de leur donner pour défendre sa vie et son trône. Mostanser fut porté en triomphe sur ce trône encore dégouttant du sang de son père. Mais durant les six mois de son règne, il n’éprouva que les angoisses d’une conscience criminelle. Si, comme on le dit, il versa des larmes à la vue d’une ancienne tapisserie qui représentait le crime et le châtiment du fils de Chosroès ; si le chagrin et le remords abrégèrent en effet sa vie, nous pouvons nous permettre quelque compassion pour un parricide qui, au moment de sa mort, s’écriait qu’il avait perdu le bonheur de ce monde et celui de la vie future. Après cet acte de trahison, les mercenaires étrangers donnèrent et reprirent le vêtement et le bâton de Mahomet, qui étaient encore les emblèmes de la royauté ; et dans l’espace de quatre ans, ils créèrent, déposèrent, et assassinèrent trois califes. Toutes les fois que les Turcs étaient agités par la crainte, la rage et la cupidité, ils saisissaient le calife par les pieds ; après l’avoir traîné hors du palais, ils l’exposaient nu à un soleil brûlant ; ils le frappaient avec des massues de fer, et le forçaient à acheter de son abdication quel-