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l’Orient fut bouleversé par les querelles de la faction des Blancs et de celle des Noirs ; les Abbassides étaient le plus souvent victorieux, mais les malheurs personnels de leur chef diminuèrent l’éclat de ces succès. La cour de Damas s’éveillant enfin d’un long sommeil, résolut d’empêcher le pèlerinage de la Mecque, qu’Ibrahim avait entrepris avec un brillant cortége pour se recommander à la fois à la faveur du prophète et à celle du peuple. Un détachement de cavalerie intercepta sa marche, se saisit de sa personne, et le malheureux Ibrahim expira dans un cachot de Harran, sans avoir goûté les plaisirs de cette royauté qu’on lui avait tant promise. Saffah et Almansor, ses deux frères cadets, échappèrent au tyran ; ils se tinrent cachés à Cufa jusqu’à l’époque où le zèle du peuple et l’arrivée de leurs partisans de l’Orient, leur permirent de se montrer au public impatient de les voir. Saffah, revêtu des ornemens du califat, des couleurs de sa secte, et suivi d’une pompe religieuse et militaire, se rendit à la mosquée. Il monta en chaire, fit la prière et un sermon en qualité de successeur légitime de Mahomet ; et après son départ, ses alliés reçurent d’un peuple affectionné le serment de fidélité. Mais c’était sur les bords du Zab, et non dans la mosquée de Cufa, que cette grande querelle devait se terminer. La faction des Blancs paraissait avoir tous les avantages, l’autorité d’un gouvernement bien affermi, une armée de cent vingt mille soldats contre des ennemis six fois moins nombreux, la présence et le mérite