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lables et les mains de fer[1] assurèrent la liberté civile et religieuse de leur postérité. Le surnom de Martel ou de Marteau qu’on donna à Charles, est un témoignage de la pesanteur de ses irrésistibles coups : le ressentiment et l’émulation animèrent la valeur d’Eudes, et leurs compagnons d’armes sont, aux yeux de l’histoire, les véritables pairs et les vrais paladins de la chevalerie française. On combattit jusqu’au dernier rayon du jour ; Abderame fut tué, et les Sarrasins se retirèrent dans leur camp. Dans le désordre et le désespoir de la nuit, les diverses tribus de l’Yémen et de Damas, de l’Afrique et de l’Espagne, se laissèrent emporter à tourner leurs armes les unes contre les autres ; les restes de l’armée se dissipèrent tout à coup, et chaque émir ne songeant qu’à sa sûreté, fit avec précipitation sa retraite particulière. Au lever de l’aurore, la tranquillité du camp des Sarrasins fut d’abord regardée comme un piège par les chrétiens victorieux. Cependant, sur le rapport des espions, ils se hasardèrent enfin à aller reconnaître les richesses laissées dans les tentes vides ; mais excepté quelques reliques fameuses, il ne rentra dans les mains des légitimes propriétaires qu’une bien petite portion de butin. Le monde catholique fut bientôt instruit de cette grande nouvelle, et les moines d’Italie assurèrent et crurent que le marteau

  1. Gens Austriæ membrorum preeminentiâ valida, et gens Germana corde et corpore præstantissima, quasi in ictu oculi manuferreâ et pectore arduo Arabes extinxerunt. (Roderic de Tolède, c. 14.)