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Défaite des Sarrasins par Charles Martel. A. D. 732.

Le génie et la fortune d’un seul homme sauvèrent la chrétienté. Charles, fils illégitime de Pepin-le-Bref, se contentait du titre de maire ou de duc des Francs ; mais il méritait de devenir la tige d’une race de rois. Il gouverna vingt-quatre ans le royaume ; ses soins vigilans rétablirent et soutinrent la dignité du trône, et les rebelles de la Germanie et de la Gaule furent écrasés successivement par l’activité d’un guerrier qui, dans la même campagne, arborait ses drapeaux sur l’Elbe, le Rhône et les côtes de l’Océan. Au moment du danger, ce fut la voix publique qui l’appela au secours de la patrie ; son rival, le duc d’Aquitaine, fut réduit à paraître au nombre des fugitifs et des supplians. « Hélas ! s’écriaient les Francs, quel malheur ! quelle indignité ! Il y a long-temps qu’on nous parle du nom, des conquêtes des Arabes ; nous craignions leur attaque du côté de l’orient ; ils ont conquis l’Espagne, et c’est par l’occident qu’ils envahissent notre pays. Cependant, ils nous sont inférieurs en nombre, et leurs armes ne valent pas les nôtres, puisqu’ils n’ont pas de boucliers. — Si vous suivez mon conseil, leur répondit l’habile maire du palais, vous n’interromprez point leur marche, et vous ne précipiterez pas votre attaque : c’est un torrent qu’il est dangereux d’arrêter dans sa course ; la soif des richesses et le sentiment de leur gloire redoublent leur valeur, et la valeur est au-dessus des armes et du nombre. Attendez que, chargés de butin, ils soient embarrassés dans leurs mou-